Dernièrement, pour mon plus grand
plaisir, j’étais invitée chez des amis chanteurs comme moi avec Cornelis,
chanteur comme nous… Dans la conversation, nous nous sommes demandés la
provenance de ce prénom : Cornelis et ma curiosité, qui n’est pas toujours un
vilain défaut, m’a amené à donner une réponse bien modeste…
Cornelis vient tout simplement du
latin cornelius et plus loin de cornix qui nous emmène vers la corneille et
tous les corvidés, tels le corbeau, l’ « ami » du renard, le
choucas, mais pas le chouan, le geai gélatineux qui geint ou pas dans le jasmin
ou la pie voleuse.
D’accord, comme moi, vous avez du
mal à faire la différence entre la corneille et le corbeau ? Facile,
Cécile ! La corneille sautille et le corbeau, plus balourd, marche. Le corbeau
croasse et la corneille criaille, graille. Aucune possibilité pour celle-ci d’intégrer
un chœur d’oiseaux, tant son chant est rauque et fort. Il est même parfois
terrifiant au point « que cent
guerriers moururent dans la forteresse horreur du cri qu’elle poussa à voix
haute ».
Je passerai sur les distinctions
entre leurs différences physiologiques autour de leur bec, de leurs plumes… Je
ne parlerai pas non plus du vol disgracieux de la corneille. Oserais-je
seulement dire que la corneille est un prédateur efficace : mamans d’oisillons,
de lapereaux, de canetons, de souriceaux, protégez-les : la corneille est
redoutable !
La corneille est un animal
mythologique que l’on trouve dans toutes les civilisations, parfois elle se
confond là aussi avec le corbeau. Certains peuples disent qu’au tout début des
temps, quand le temps était dans le temps, la corneille était blanche comme la
neige… voici deux résumés de contes.
Blanche corneille est devenue
noire en Grèce par la colère d’Apollon : Apollon, dieu du soleil, avait
demandé à la corneille de surveiller sa bien-aimée, la fille du roi Coronis. Las,
on découvrit qu’elle était enceinte d’un jeune prince d’Arcadie. Apollon maudit
la gardienne négligente et noircit à jamais son plumage. Quant à la jeune
fille, il la transperça de flèches. Mais sur un bûcher, Apollon retira des
flammes l’enfant qu’elle portait et qui allait devenir Esculape, le dieu
de la médecine.
Au contraire, pour les
aborigènes, au commencement du monde, alors que les ténèbres s’effaçaient
lentement, tous les oiseaux étaient noirs. Dans la douce lumière naissante, un
pigeon jouait avec le vent, mais il rata son atterrissage et se cassa une patte.
Tous les oiseaux accoururent pour aider le pigeon, sauf le corbeau. Les oiseaux
l’appelèrent, le bousculèrent un peu. Un perroquet lui reprocha de passer son temps à réfléchir. Vexé, le
corbeau donne un coup de bec à l’oiseau bavard. Le corbeau l’avait piqué si
fort que son sang de toutes les couleurs se mit à gicler partout tout son corps,
le rouge, le bleu, le jaune, le vert, puis ensuite elles se répandirent sur les
autres oiseaux. Sauf sur le corbeau, qui était allé bouder dans un coin. C’est
ainsi qu’il resta tout noir.
Pour les Celtes, la déesse Morrigane,
« la Grande Reine » représente le pouvoir féminin unique , source de
toute légitimité. Elle est même l’incarnation
du royaume. Elle a un triple visage ; le sien, Bodb la corneille et Macha,
la plaine où courent les chevaux. Elle peut, à son gré, se transformer en de
nombreux animaux et c’est ce qu’elle fait pour combattre Cuchulainn qui a
repoussé ses avances. Après sa défaite, alors qu’il meurt, « elle
vint sous la forme d’une corneille du firmament au-dessus de sa tête… elle
poussa ses trois grands cris au-dessus de lui et elle se posa sur le buisson d’aubépine
qui lui faisait face… » Dans la plaine de Murthemme dans l’Antique Armor se
dresse toujours « l’aubépine de la corneille ».
Pour les Amérindiens, une
histoire raconte comment Corneille est fascinée par son ombre. Elle la regarde
constamment, la griffe, la gratte jusqu’à l’érafler. L’Ombre s’éveille alors, s’avive
et dévore la corneille. Corneille n’est plus que l’ombre d’elle-même. Et si
vous regardez au plus profond de l’œil de Corneille, vous découvrirez l’entrée
vers le surnaturel, car cet oiseau connaît les mystères insondables de la
création. Il est gardien de toutes les lois sacrées. L’une de ses
caractéristiques est de pouvoir se métamorphoser selon son vouloir. Voilà la prière
à la corneille des cartes Médecine :
Corneille…
Tu
grailles
Afin
que je sache
Les
secrets de l’équilibre
Au
sein de mon âme ?
Ou bien émets-tu
Ce
« grrra » sacré
Simplement
pour me rappeler
Les
lois universelles ?
Selon le tarot de la Sagesse
animale, la Corneille est une repésentation de la nigredo hermétique, l’état
primordial de la substance indifférenciée, mais riche d’infinies possibilités.
L’apparition de la corneille doit attirer notre attention sur la magie mise à
notre disposition pour nous permettre de créer des choses nouvelles.
Mais sa noirceur l’associe au
malheur. Souvenez-vous ces gens qui accrochaient un corbeau ou une corneille à
la porte d’une grange ou d’une maison pour amener la terreur.
Tristesse que cette « Romance sans paroles » de
Paul Verlaine (1874)
Dans
l’interminable
Ennui
de la plaine
Le ciel est de
cuivre
Sans lueur aucune.
On croirait voir vivre
Et mourir la lune.
Sans lueur aucune.
On croirait voir vivre
Et mourir la lune.
Corneille poussive
Et vous, les loups maigres,
Par ces bises aigres
Quoi donc vous arrive ?
Et vous, les loups maigres,
Par ces bises aigres
Quoi donc vous arrive ?
Dans l’interminable
Ennui de la plaine
La neige incertaine
Luit comme du sable
Ennui de la plaine
La neige incertaine
Luit comme du sable
Et pour finir de Franck Schubert,
un chant, le lied n° 1515 (oui, je sais, la bataille de Marignan…) du Voyage d’hiver
: Winterreiseque je vais essayer de traduire pour vous avec mes souvenirs d’allemand et sans
dictionnaire, ni volontairement le traducteur de Google. En voici donc le sens
de ce chant… alors merci à celui qui pense apporter une meilleure traduction.
Die Krähe
Eine Krähe
war mit mir
Aus der Stadt gezogen,
Ist bis heute für und für
Um mein Haupt geflogen.
Aus der Stadt gezogen,
Ist bis heute für und für
Um mein Haupt geflogen.
Krähe,
wunderliches Tier,
Willst mich nicht verlassen ?
Meinst wohl, bald als Beute hier
Meinen Leib zu fassen ?
Willst mich nicht verlassen ?
Meinst wohl, bald als Beute hier
Meinen Leib zu fassen ?
Nun, es wird
nicht weit mehr geh'n
An dem Wanderstabe.
Krähe, laß mich endlich seh'n
Treue bis zum Grabe !
An dem Wanderstabe.
Krähe, laß mich endlich seh'n
Treue bis zum Grabe !
La corneille
Une corneille
était sortie de la ville avec moi
Et jusqu’à
aujourd’hui elle vole sans arrêt au-dessus de moi
Corneille,
animal étrange, ne veux-tu pas me laisser ?
Penses-tu
vraiment, que mon corps deviendra ta proie ?
Maintenant, je
n’irai pas beaucoup plus loin
Corneille, finalement
seras-tu fidèle jusqu’à ma tombe.