Je ne saurais vous conseiller de lire d’abord la première partie qui se trouve en dessous, puisque ce blog est rangé par ordre chronologique de création et je ne crois pas pouvoir en inverser le cours partiellement… J'y suis arrivée : il suffit de changer la date de publication ! Simple, non ?
Depuis l’Antiquité, dans
l’hémisphère nord tout au moins, le gui est chargé de symboles, sans aucun
doute parce que ses fruits arrivent à maturité au moment du solstice d’hiver
(22 décembre). L’hiver dans les rythmes de la nature appartient à Saturne, période
sombre où la lumière extérieure manque, période froide où l’on a tendance à se
replier, période où l’on se laisse « plomber » avec morosité. C’est aussi un
moment d’intériorisation que l’on peut observer dans la nature et en
nous-mêmes. Les arbres sont dénudés, l’énergie vitale stagne au niveau des
racines ou dans les graines dans l’attente du printemps. Notre état de
conscience nous invite à rechercher notre Être profond, à nous introspecter, à
nous ramener à l’essentiel (Essence – ciel), loin de l’exubérance de l’été.
C’est alors que le gui manifeste sa vitalité comme pour narguer la nature
endormie ou pour nous rappeler que la vie est toujours présente.
Voilà pourquoi les hommes ont
considéré très vite que le gui avait une puissance magique : « il permet
d’ouvrir le monde souterrain, éloigne les démons, confère l’immortalité et
inattaquable par le feu. »Dans l’Enéide, longue épopée de Virgile (-29 à-19 av JC), le héros, Enée, fils d’Anchise et de la déesse Vénus, doit descendre aux Enfers voir son père selon une prophétie. Mais pour un aller avec retour, il doit offrir un Rameau d’or à Proserpine, reine des Enfers. « Va donc, cherche-le des yeux à travers la forêt ; et, si tu le trouves, cueille-le avec la main ». Mais la forêt est immense et ça inquiète bien Enée :
« Oh ! si, sous ces vastes ombrages, s’offrait maintenant à ma vue le mystérieux rameau ! ».
Avoir une mère déesse aide bien : Vénus (alias Aphrodite) lui envoie deux colombes, qui se posent sur un arbre
[…]
Quale solet silvis brumali frigore viscum
Fronde
virere nova, quod non sua seminat arbos,Et croceo fetu teretes circumdare truncos :
Talis erat species auri frondentis opaca
Ilice ; sic leni crepitabat bractea vento.
Corripit extemplo Æneas, avidusque refringit
Cunctantem, et vatis portat sub tecta Sibyllæ.[…]
Ainsi,
durant l’hiver, on voit le gui dans les forêts déployer ses feuilles nouvelles
et ses fruits dorés, sur le tronc étranger qui le nourrit : tel paraissait le
rameau d’or sur un chêne touffu ; ainsi frémissaient ses feuilles légères,
agitées par le zéphyr. Énée le saisit aussitôt, l’arrache et le porte à la
demeure de la Sibylle.
Tableur de Brueghel
Pas de doute, il
s’agit bien du gui. Dans Le rameau d’or, Sir James George
Fraser, anthropologue écossais, y voit le symbole de la lumière initiatique qui permet de
triompher des ombres du royaume de Pluton et d’en ressurgir, donc de
ressusciter. Il écrit aussi : « En hiver, les
adorateurs de l’arbre doivent avoir salué la vue de son feuillage frais parmi
les branches dénudées comme le signe que la vie divine, qui avait cessé
d’animer les rameaux, survivait encore dans le gui, comme le cœur d’une
personne endormie bat encore quand le corps est immobile. Aussi, quand il
fallait tuer le dieu (quand il fallait brûler l’arbre sacré), il était
nécessaire de commencer par arracher le gui. Tant que le gui restait intact, le
chêne serait invulnérable. Une fois arraché son cœur sacré (le gui), le chêne
penchait vers sa chute. »
A croire que je ne suis pas seule à m’en
souvenir, à lire la BD « la Serpe d’or » de René Goscinny et Albert
Uderzo dans la série Astérix.
Manifestement ces grands Sages connaissaient les
vertus thérapeutiques du gui. Le gui squatte rarement le chêne et encore moins
le chêne rouvre. Selon Pline, « Le rouvre est déjà par lui-même l’arbre
dont (les druides) font les bois sacrés; ils n’accomplissent aucune cérémonie
religieuse sans le feuillage de cet arbre, à tel point qu’on peut supposer au
nom de druide une étymologie grecque (δρῦς, chêne). Tout gui venant sur le rouvre est regardé
comme envoyé du ciel: ils pensent que c’est un signe de l’élection que le dieu
même a faite de l’arbre. Le gui sur le rouvre est extrêmement rare, et quand on
en trouve, on le cueille avec un très grand appareil religieux. Avant tout, il
faut que ce soit le sixième jour de la lune, jour qui est le commencement de
leurs mois, de leurs années et de leurs siècles, qui durent trente ans : jour
auquel l’astre, sans être au milieu de son cours, est déjà dans toute sa force.
» livre XVI.
En fait, les récentes découvertes
archéologiques remettent en cause ces images d’Epinal. Le Gaulois n’était pas
un cueilleur-chasseur ; il était cultivateur-éleveur, artisan, commerçant,
artiste… La Gaule n’était pas recouverte de grandes forêts comme on a bien
voulu nous le dire... Le problème des Gaulois, c’est de ne pas avoir laissé de
traces écrites : on s’est appuyé sur le récit de « la guerre des
Gaules » écrite par des Romains !
Pour tous, le gui était descendu du ciel, telle la
foudre, et peut-être avec elle, d’où la croyance qui a longtemps persisté dans
les campagnes, que le gui protégeait de la foudre, alors on en attachait à la
porte des maisons.
Mais le gui n’était pas
cueilli n’importe quand ni n’importe comment : les druides allaient en forêt pour couper le gui
sacré, le sixième jour de l'année celtique. Il était coupé avec une Serpe d’Or
lors de Samhain (fête religieuse du solstice d’hiver) et devait être
réceptionné dans un drap blanc tendu par des vierges.
Il était ensuite consacré et offert au peuple pour ses vertus protectrices et fertilisantes. Puis nos Ancêtres les Gaulois le suspendaient à leur cou ou à l’entrée de leur maison. Quand ils accueillaient des invités, ils les embrassaient en dessous du gui pour leur porter bonheur, joie et protection.
Il était ensuite consacré et offert au peuple pour ses vertus protectrices et fertilisantes. Puis nos Ancêtres les Gaulois le suspendaient à leur cou ou à l’entrée de leur maison. Quand ils accueillaient des invités, ils les embrassaient en dessous du gui pour leur porter bonheur, joie et protection.
Nuit de la Saint-Sylvestre… nuit de la lumière au cœur
de l’hiver… nuit de la présence de l’esprit de la forêt… nuit de la lumière
sylvestre… nuit du gui… Il fut un temps, mais ce temps existe encore ça et là,
les jeunes offraient du gui aux Ainés, à leurs parents ou à leur patron en
échange de cadeaux, d’étrennes en chantant des ritournelles :
♫
salut à l’An neuf, donnez-moi du Gui l’An Neuf ♫
Mais, car il y a un mais ou mon histoire serait terminé, s’il n’y avait Loki, le dieu de la discorde, jaloux, envieux, traitre. Il ose déclarer Baldr, son ennemi juré craché n° 1. Sournois, il apprend de le bouche même de Frigg, que, certes, tous les végétaux avaient prêté serment, tous, sauf un : le gui, petit arbrisseau sans racine dans le sol et si jeune, si inoffensif aux yeux de Frigg qu’elle ne lui avait pas demandé de prêter serment.
Ce qui devait alors arriver arriva : Loki part à la recherche du gui, y taille une flèche. Rusé, il demande à Hod, frère aveugle de Baldr, néanmoins excellent archer de tirer sur lui. La flèche transperce le cœur de Baldr : adieu donc beauté sublime, être empli de lumière… Un grand malheur pour Hod et pour tous les dieux. Mais les dieux se réunirent pour intercéder auprès de Hel, déesse des enfers la libération de Baldr...
La mort de Balder d'après Christoffer Wilhelm Eckersberg
La suite, forcément, je la connais, mais elle nous
éloignerait de notre branche de gui.
Si le gui arrache la vie du corps de Balder, c’est
qu’il a lui-même été retranché de l’arbre cosmique (le chêne d’essence divine) dont
il est le cœur, le principe de vie.Ensuite, vous me direz, y a-t-il un lien entre le gui, Saint Guy et la danse de Saint-Guy ? rendez-vous dans une troisième partie.
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