Après beaucoup d'hésitation, il ne fait vraiment pas chaud ce soir et je crains la glace, je me décide à aller voir ce film suivi d'un débat avec le réalisateur du film : si le réalisateur se déplace, la moindre des choses est de lui rendre hommage par notre présence... adieu confort ! je descends au cinéma où le nombre des spectateurs est important... je reconnais les "têtes militantes" de Figeac que j'ai d'ores et déjà repérées...
Walter, retour en résistance
Le nom de « Walter » et le mot « résistance », Gilles Perret , le réalisateur, les a toujours associés. Avant même de savoir ce que cela signifiait, Gilles savait que son voisin Walter avait été déporté dans un camp de concentration du nom de Dachau …
Aujourd’hui Walter Bassan a 82 ans. Il vit avec sa femme en Haute-savoie, et mène une vie pour le moins active. D’écoles en manifestations, de discours engagés en témoignages de la guerre, Walter continue son long combat, fait de petites batailles, contre toutes les formes de démagogies, d’injustices et d’oppressions. De même que lorsqu’il avait 18 ans, et qu’il « jouait » comme il dit, à distribuer des tracts anti-fascistes dans les rues commerçantes d’Annecy alors occupée, Walter agit en écoutant son cœur. « Je n’ai pas changé », comme il se plait à rappeler.
Partageant ces mêmes « raisons du cœur », Gilles Perret réalise ici un portrait vivant de cet homme calme et insurgé. Nous sommes invités à les suivre en passant du Plateau des Glières à Dachau, à faire des retours en arrière pour mieux comprendre l’Histoire, à partager leurs inquiétudes face à un monde où l’inégalité et l’injustice gagnent sans cesse du terrain, à poser les questions qui fâchent...
Sans prétention, et avec la même simplicité et constance que Walter, ce documentaire révèle l’actualité, l’importance, et la nécessité, d’une résistance au quotidien. N’en déplaise à Bernard Accoyer, président de l’Assemblée Nationale, qui met en garde le réalisateur contre toutes tentatives d’amalgames...
Cela aurait pu être un énième portrait tendre et touchant d’un vieux résistant qui n’a rien perdu de ses convictions… Mais (mal)heureusement Sarkozy s’en est mêlé en récupérant les grands symboles de la Résistance pour sa communication, imposant dans les écoles la lecture de la lettre du jeune communiste Guy Moquet, qui doit toujours s’en retourner dans sa tombe, faisant du Plateau savoyard des Glières, haut lieu de la Résistance, sa Roche de Solutré. Et là, la moutarde est quelque peu montée au nez de Walter et de quelques uns de ses glorieux camarades : Stéphane Hessel, ancien ambassadeur de De Gaulle, co-rédacteur de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, Raymond Aubrac qu’on ne présente plus, ou le romancier anglais savoyard d’adoption John Berger. Colère et indignation, cette même indignation qui poussa Walter à risquer sa vie en combattant le nazisme alors qu’il avait à peine 17 ans. Et tous se sont dit qu’il était urgent de répondre dignement à Sarkozy et à ses alliés locaux (entre autres l’inénarrable Bernard Accoyer, shérif alpin mais aussi président de l’Assemblée Nationale) en organisant entre autres un rassemblement citoyen sur le Plateau des Glières, où près de 4000 personnes réaffirmèrent leur attachement au Programme du Conseil National de la Résistance.
Ce programme, cosigné par toutes les composantes de la Résistance, des gaullistes au communistes, préconisait entre autres la nationalisation de tous les secteurs vitaux de la nation (énergie, transports, poste etc…), instaurait la sécurité sociale et la retraite par répartition et exigeait que les grands médias échappent au contrôle des puissances de l’argent. Un programme que sabotent consciencieusement Sarkozy et son gouvernement tout en se prévalant de son aura, profitant de l’inculture historique des journalistes et de la classe politique, un programme qui pourrait servir de base à un vrai rassemblement des gauches antilibérales.
Walter, retour en résistance est donc le portrait bouleversant d’un homme droit, réservé et digne comme on en voit si peu, un film qui regorge aussi de moments drôles ( la séquence où Sarkozy se couvre de ridicule en pleine cérémonie d’hommage aux morts de la Résistance
ou encore celle où Accoyer dévoile sa face de roquet hargneux contre le réalisateur) et de moments infiniment touchants comme celui où Stéphane Hessel rencontre une fillette kosovar (vous savez, de celles que le félon Eric Besson aime bien faire mettre en centre de rétention).
Déjà en 2004, une dizaine d’anciens résistants (dont Aubrac et Hessel) avaient lancé un appel aux jeunes générations « pour résister et créer » et ce dans la totale indifférence des médias et du grand public. Nous espérons, et nous ferons tout ce qu’il faut pour, que ce film contribuera à sonner le réveil citoyen.
Au cours du tournage, le réalisateur s'est rendu le 18 mars 2008 en Haute-Savoie, au cimetière-mémorial du plateau des Glières, haut lieu des maquis, à l'occasion d'une commémoration présidée par Nicolas Sarkozy. On en ignore la cause, mais le président de la République a fait de ce lieu sa Roche de Solutré, à lui, l'objet d'un pèlerinage à caractère personnel... Le film de Gilles Perret montre, d'abord, un Sarkozy, encadré de chasseurs alpins qui se recueille quelques instants devant le monument qui surplombe les tombes de 105 « Français libres » morts au combat Jusque là tout va presque bien : pendant la minute de silence, le Petit Nicolas a bien du mal à ne pas bouger et les tics de son visage font tac !
Mais surout, tout se gâte dès que le président quitte « l'estrade ». Subitement, dans ce lieu de mémoire, il se métamorphose en un « homme qui rit dans les cimetières ». Humour lourd, mépris des proches des résistants qui tentent de capter l'attention du président à propos du transfert des corps de deux martyrs jusqu'au mémorial. La grande classe. On lui présente des résistants espagnols et lui, regardant au-dessus d'eux : "tiens ! qu'est-ce que c'est ça là-haut ? une cascade ?" et il essaie de se reprendre et ça donne : "j'aime bine les Espagnols et les Italiens aussi ; d'ailleurs, j'en ai épousé une !"
Le message du film est souligné par Stéphane HESSEL (dans le film, extrait de son intervention des Glières au printemps ) : "Gardez votre capacité d’INDIGNATION, chacun dans sa vie de tous les jours peut, doit, s’indigner". Et l’on sait que les motifs d’indignation ne manquent pas en ce moment.
Walter accompagne souvent des lycéens pour visiter Dachau ou intervient dans les classes élémentaires, collégiennes ou lycéennes... parfois on se demande dans le film :
qui sont les jeunes, qui sont les vieux ? Où est la capacité d’indignation ? le sens politique ? l’enthousiasme pour des idéaux (utopiques ?) de solidarité et de justice qu’on aimerait ou redouterait (c’est selon) trouver chez eux ? Et pourtant, on ne doute pas une seconde qu’ils seraient prêts à défendre leurs copains de classe sans-papiers en passe d’être expulsés.
Le grand message : entrons tous en résistance !
(texte venant en partie du site du film)